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Réduction de la fracture alimentaire : 3 procédés, 1 stratégie sur la ville de Marseille

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expérience
exemplaire

la Cité de l'agriculture

37 boulevard National
13001 Marseille
Louise Levayer
Contact

contexte

Sur les questions liées à l’alimentation et aux modes de consommation, la Cité de l’agriculture réalise sur le territoire marseillais le même constat qu’au niveau national. On y observe une fracture alimentaire entre une frange privilégiée de la population qui a accès aux produits alimentaires de qualité, quand la majorité des citoyens est soumise à un paysage de consommation dicté par la grande distribution et n’a pas accès à une alimentation saine et qualitative. L’alimentation actuelle est dominée par des produits très transformés à bas prix. La déconnexion entre alimentation et production agricole, renforcée par une population de plus en plus urbaine et déconnectée des campagnes ont profondément marqué les habitudes alimentaires.

            Alors qu’un décès sur cinq dans le monde est dû à une mauvaise alimentation (Le Monde, Avril 2019), Marseille fait face à d’importantes problématiques sanitaires notamment en termes de surpoids et d’obésité (17% de la population, Observatoire Régional de la Santé). Les habitants des quartiers les plus défavorisés sont davantage concernés par ces problématiques. On compte 187 grandes surfaces, 39 marchés locaux, 15 épiceries paysannes et 51 AMAP à Marseille actuellement. Toutefois, la concentration des services d’alimentation dans le centre-ville reste très forte. Les arrondissements périphériques connaissent un accès à l’alimentation beaucoup plus restreint, rapprochant ainsi ces territoires du concept de désert urbain alimentaire. A titre d’exemple, dans le 15ème arrondissement, on ne dénombre que trois grandes surfaces et un seul point d’approvisionnement de paniers peu fréquenté (17 personnes, Les Paniers Marseillais). Surtout, l’approvisionnement en fruits et légumes de production locale y est très difficile alors même que c’est l’arrondissement qui dispose du plus grand nombre de terrains disponibles pour mener des projets d’agriculture urbaine.

          Parce que réfléchir à une alimentation durable ne peut se réduire à une seule approche en termes d'apports énergétiques et nutritionnels, la Cité de l'agriculture expérimente et ancre plusieurs actions sur le territoire marseillais et plus particulièrement dans les 1er et 15ème arrondissements, « quartiers cibles » de son action.

objectifs et résultats

Objectifs généraux :

L’objectif global : favoriser la mise en place d’habitudes alimentaires plus saines et plus durables pour les publics précaires

1/ Distribution de paniers de légumes locaux

Ces actions s'appuient tout d'abord sur un réseau de distribution de paniers de légumes locaux et de saison (association Les Paniers Marseillais). Cette approche a fait ses preuves auprès de ce type de public dans le cadre de projet comparables, notamment une initiative conduite entre le Secours populaire et les Paniers marseillais. La Cité de l'agriculture a repris ce mode opératoire pour offrir l'opportunité au public ciblé de modifier ses habitudes alimentaires. La distribution de paniers ne constitue qu'un moyen sur lequel s'appuie la Cité de l'agriculture pour proposer :

• des ateliers de cuisine et des actions relatives aux questions de nutrition santé permettant de constituer un recueil de recettes de saison co-construites avec les participants.

• des visites de jardins - des balades dans la campagne pour des cueillettes, visites chez les producteurs locaux, dans des fermes pédagogiques, sur des marchés... Ces actions permettent de retisser le lien entre les habitants et leur territoire, les habitants et les produits qu'ils consomment.

2/ Réduire la fracture alimentaire

Dans le prolongement de l'action mise en oeuvre par le CCO Velten et avec les autres centres sociaux partenaires de l'action, la Cité de l'agriculture souhaite proposer l’essaimage de multiples activités de sensibilisation permettant de modifier les habitudes alimentaires du public. Le projet recherche un effet multiplicateur et a également pour objectifs de mobiliser dans ses activités les différents référents des centres sociaux afin que ceux-ci puissent mettre en oeuvre dans leur travail quotidien, et au-delà du présent projet, de bonnes pratiques en matière d'alimentation.

3/ Tester un groupement d’achat

Sur la base de l’expérimentation de distribution de paniers conduite auprès du public cible, la Cité de l’agriculture souhaite adapter et expérimenter un groupement d'achats sur son territoire. Une fois le public capté, le travail de sensibilisation initié et dans la continuité des deux objectifs pré-cités, un travail de pré-figuration est envisagé.

 

Objectifs quantitatifs :

> 8 personnes par atelier cuisine (4 ateliers/mois pendant 15 mois) soit 240 personnes

> 10 personnes par atelier jardin (4 ateliers /mois pendant 15 mois) soit 240 personnes 16 en moyenne par sorties 120 pers sur le projet en prenant en compte le fait que plusieurs participants sont susceptibles de participer à plusieurs ateliers

> Expérimentation de dispositifs d'approvisionnement pilote avec 10 familles

 

Résultats quantitatifs :

Nombreuses activités perturbées par les mesures sanitaires (plusieurs annulations) mais néanmoins :

- partenariat avec 4 centres sociaux situés en QPV à Marseille (La Viste, Aygalades, Campagne-Lévêque, Belsunce)

- 18 ateliers cuisine (entre 5 et 9 participants). Public : secteur enfance famille (14 ateliers) ; adolescents (2 ateliers) ; enfants (2 ateliers goûter) soit environ 126 participations.

- 15 sorties dont 3 balades cueillettes (entre 5 et 15 participants). Public : secteurs enfance famille, nombreuses balades organisées le mercredi pour participation des enfants avec les parents. Soit environ 135 participations. 

- 4 réunions de démarrage avec les groupes d'usager.ère.s

- 4 réunions intermédiaires d'évaluation et de parole autour de la période de confinement en lien avec les enjeux alimentaires

- 10 familles adhérentes à l'expérimentation de paniers bio solidaires

- 7 marchés de producteurs réalisés aux Aygalades (2 annulés pour cause de confinement)

- formalisation du lancement de VRAC à Marseille en co-portage Pain et Partage / Cité de l'agriculture

- 3 COPIL interacteurs et 1 COPIL partenaires institutionnels

Résultats qualitatifs :

Ateliers cuisine

Des ateliers cuisine ont été mis en place de manière mensuelle dans chaque centre sociaux en lien avec le secteur famille. Ponctuellement, des ateliers se sont également organisés avec le centre aéré (goûters) et le secteur jeunesse (2 ateliers ados).

Les ateliers se sont construits suite à une première réunion de démarrage avec les équipes de chaque centre et avec les usager.ère.s du secteur famille qui ont pu préciser les attentes et besoins sur l'alimentation, mais aussi partager les habitudes alimentaires et lieux d'approvisionnement des habitants.

Sur cette base, nous avons réalisé plusieurs entretiens avec des intervenants potentiels et nous nous sommes orientés vers une intervenante principale diététicienne (3 ateliers sur 4) et des intervenant.e.s ponctuel.le.s avec un profil plus chef.fe (restaurant gourmet, alimentation végétale, 1 atelier sur 4) afin de tester différentes configurations.

Sur cette base nous avons construit des ateliers cuisine autour de produits de saison (retrouver la saisonnalité, découvrir de nouveaux légumes) et de la constuction de menus complets (équilibre alimentaire, entrée-plat-dessert). Les ateliers étaient suivis d'un repas partagé convivial (autres membres du centres invités à manger) qui permettait d'échanger sur le menu, les impressions, le quotidien... mais aussi de définir ensemble la thématique de l'atelier suivant.

Thématiques proposées :

> Menus autour de légumes de saison et astuces : épinards, courges, choux (vert, rouge, rave, romanesco, kale), panais, patates douces…

> Ateliers astuces : Faire son fromage, la conservation (conserves, lacto-fermentation), adapter des plats (burgers végétariens, pizza base courge et base brocolis), goûters enfants
 
Des recettes ont été distribuées au centre sociaux et aux participantes. Certains ont pu être intégrées dans un Kit Pédagogique à destination des centres sociaux (disponible sur demande).
 

 Concernant les ateliers cuisine, il a été intéressant de proposer différentes approches : l'une plus autour de la diététique et de la nutrition, l'autre plus autour de la cuisine durable. L'approche diététique/nutrition est déjà souvent présente dans les centres sociaux et focalise davantage sur les enjeux de santé et d'équilibre alimentaire (ce qui reste bien sûr important) mais ne permet souvent pas d'aborder les enjeux plus large de la durabilité (environnementaux, économiques...). L'intervention de cuisinier.ères en alimentation durable a permis d'avoir des échanges variés et riches sur le parcours professionnel et culinaire de l'intervenant, sur le pourquoi de ses choix professionnels. Permettant ainsi d'aborder une palette large de thématiques liées à l'alimentation durable... et de remettre le plaisir au cœur de l'assiette. Ces approches sont donc complémentaires mais le volet cuisine durable souvent moins présent dans les centres sociaux.

Sorties et balades

Chaque atelier cuisine mensuel était associé à une sortie mensuelle. Cette action a pour objectif de faire connaître la richesse des savoirs-faires du territoire urbain (Ville de Marseille) et péri-urbains. Mais aussi de découvrir des démarches durables par le récit et la connaissance de parcours et l'engagement personnel de producteurs et transformateurs de la région. Après des actions au centre social, cela permet aux habitants eux-même "d'aller vers", "d'être accueillis", de voir, sentir, toucher, rencontrer. Ces actions étant menées simultanément dans 4 centres sociaux, il a parfois été difficile d'associer systématiquement atelier et sortie (thématique et temporalité).

Les sorties proposées ont été :

- Production de légumes en lactofermentation (Skobi, le Carburateur, 15è)

- Transformation de produits laitiers et vente en circuits-courts (La Laiterie Marseillaise, 7è)

- Ferme pédagogique de la Tour des Pins 

- Ferme pédagogique du Roy d'Espagne

- Domaine de production oliviers et vignes (Domaine Roustan, La Fare-les-Oliviers)

- Balade reconnaissance de plantes au massif de l'Etoile

- Ferme en maraîchage biologique (Thierry Gozzerino, PAMA, Salon-de-Provence)

- Participation à la récolte du safran et découverte de la production des capres (Safran de Cuges, Cuges-les-Pins)

- Visite du marché de la Friche de la Belle de Mai

- Visite et tenue de stand par deux centres sociaux au Marché des Aygalades

Paniers solidaires

Un partenariat a été mis en place avec le centre social MPT-Saint-Louis, les PAMAs et le Panier de la Calade pour associer 10 familles de Campagne-Lévêque à cette AMAP déjà existante dans leur quartier et ce à des tarifs solidaires. Le panier, d'un montant de 17,50€, est proposé à des tarifs de 5, 8 ou 10 euros au choix de l'adhérent.

Des entretiens ont eu lieu avec les familles avant le début d'une phase test d'un mois et à son issue. Sur les 10 familles, 8 ont continué pour un contrat de 5 mois à l'issu duquel des entretiens de suivi ont lieu permettant d'évaluer l'impact de ce dispositif en termes de pratiques alimentaires, perception du prix et de la qualité des produits, saisonnalité, pertinence du dispositif de panier pour les familles...

Les principaux résultats montrent que les premiers obstacles sont liés au lieu et aux horaires de distribution fixes qui ne conviennent pas toujours aux familles. Il est à noté aussi une évolution sur la perception du prix (vers du plus "juste mais toujours innabordable pour mon budget") lié à une valorisation et satisfaction quant à la qualité des légumes et au goût. Un rapport est disponible.

Groupements d'achat

Le projet a permis d'étudier les conditions d'un lancement de groupements d'achat sur le territoire cible (13015) :

- Etude réalisée sur les différents types de groupement d'achat en France.

- Etude de prix réalisée pour voir la pertinence du développement d'un groupement d'achat de type VRAC (rapport disponible).

- Deux rencontres avec des bailleurs sociaux pour présenter le dispositif.

- Prise de contact avec VRAC National, notamment dans le cadre d'une rencontre prévue en novembre 2020 et annulée pour cause de COVID

A l'issue du projet, Pain et Partage (membre du comité de pilotage du projet) et la Cité de l'agriculture se sont associés pour le lancement de VRAC Marseille dans le courant de l'année 2021. Les premiers groupement d'achat devraient se constituer dans les quartiers où se sont tenues les activités du présent projet, créer les conditions favorables à l'arrivée d'un tel dispositif d'accès (connaissance et intérêt des centres sociaux et d'un groupe d'habitants). Certains des habitants pourront devenir bénévoles sur les groupements d'achat... A suivre.

 

Mise en oeuvre

Planning :

Durée de l'expérimentation : octobre 2019 - mars 2021 (extension de 4 mois dûe aux mesures sanitaires)

- Réalisation d'une sortie et d'un atelier cuisine par mois avec chaque centre social partenaire entre décembre 2019 et décembre 2020 avec plusieurs annulations pendant les périodes de restrictions sanitaires.

- lancement de la phase test des paniers solidaires en décembre 2020

- Formalisation du partenariat pour le lancement de VRAC à Marseille 

 

Moyens humains :

Une chargée de mission alimentation durable.

En soutien : directrice de la structure, chargée de communication, stagiaire et service civique.

Total : 1,25ETPT

Moyens financiers :

Budget total alloué : 49 860 €

Moyens techniques :

Importance des caratéristiques des cuisines mises à disposition pour les ateliers cuisine : la disposition, ustensiles disponibles et autorisations.

Transport pour les visites (mise à disposition par les centres sociaux et locations).

Partenaires moblisés :

- 4 centres sociaux du Ier et XVème à Marseille

- Paniers Marseillais (PAMA)

- Pain et Partage

- Réseau d'agriculteurs urbains et péri-urbains et de transformateurs, acteurs de l'alimentation durable à Marseille et ses alentours.

- Ecoceaty (lien bailleurs sociaux)

- 5 intervenants professionnels de l'alimentation (nutritionniste, diététicienne, chef de restaurant, 2 cheffe spécialisées en cuisine végétale)

- Biocoop pour la fourniture en matière première pour les ateliers cuisine

valorisation de cette expérience

Facteurs de réussite :

- Implication de la direction des centres sociaux et association large des équipes sur les enjeux d'alimentation durable

- Connaissance des autres acteurs du quartier d'intervention, être identifiés clairement par les habitants

- Connaissance du paysage alimentaire des quartiers (relevé de prix dans les commerces où les habitants déclarent faire leurs courses...)

- Pouvoir s'appuyer sur un réseau large d'acteurs sur le territoire et valoriser leurs compétences et connaissances (de l'agriculture et de l'alimentation)

- Approche par le plaisir, le goût, le partage d'expériences personnelles... sans jamais perdre de vue les enjeux économiques

 

 

Difficultés rencontrées :

- Restrictions liées aux mesures sanitaires COVID qui impactent directement les activités par nature collectives de ce type de projet

- Accès à un public diversifié (plus difficile quand l'ensemble des activités à lieu en semaine ou en passant exclusivement par le secteur famille des centres sociaux)

- pour nombre de population en précarité les enjeux environnementaux sont secondaires et assimilés d'amblée et des discours culpabilisateurs. Il y a un travail important à mener pour la reconnexion des problématiques sociales et environnentales.

Recommandations éventuelles :

- Importance de développer des dispositifs d'accès en parallèle de la sensibilisation

- développer des partenariats avec divers acteurs (centres sociaux mais aussi association ou acteurs éducatifs...) pour toucher un public divers

- approche cuisine durable plutôt que strictement nutrition ou diététique pour les ateliers

- combinaison pratique (atelier) et découverte (sorties, rencontres producteurs....) très pertinente