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Utilisation de bennes à motorisation GNV pour la collecte des ordures ménagères : organisation logistique

Mairie de Paris

Place de l’Hôtel de Ville
75196 Paris cedex 04
Christelle Riviere
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Illustration de l’opération :

Bras de manutention des bouteilles de gaz

(Crédits de l'image : Illustration fournie par la mairie de Paris)

contexte

Afin de répondre à la volonté politique de sortir du tout diesel, la ville de Paris a fait le choix de se diriger vers une motorisation alternative pour les bennes de collecte : le Gaz Naturel pour Véhicules (GNV). Cette décision répond également à un souhait de diversification des ressources énergétiques utilisées et de préservation des ressources naturelles. Dès 2002, la municipalité a fait l’acquisition de ses premières bennes de collecte des déchets roulant au GNV dans sa flotte de véhicules. Le service propreté a par la suite également acheté des laveuses de chaussée au GNV. La collectivité impose à ses prestataires privés de collecte de ne plus recourir à la motorisation diesel.

En 2016, 78 % du parc de BOM (régie et prestataires) roule au GNV. Parallèlement, les services techniques poursuivent leur travail de veille et testent des innovations technologiques portant sur la motorisation ou sur les équipements afin de s’assurer de leur capacité à répondre aux besoins de l’exploitation. Une attention particulière est portée à la limitation des différentes pollutions, qu’elles soient atmosphériques ou sonores. 

objectifs et résultats

Objectifs généraux :

Le passage à une motorisation GNV pour les bennes à ordures ménagères répond à plusieurs objectifs :

 

1) Recourir à une carburation alternative au diesel crédible

Tout en limitant les contraintes techniques et financières

 

2) Limiter les émissions de polluants locaux

En particuliers les particules

 

3) Diversifier les ressources énergétiques utilisées

En préservant les ressources naturelles avec l’utilisation du bio GNV

Résultats quantitatifs :

En 2016, la flotte de véhicule est la suivante :

  • 78 % des BOM utilisées pour la collecte sont au GNV ;
  • 159 BOM sur 241 roulent au GNV pour le parc de la régie (dont 35 à la norme Euro VI);
  • 211 BOM sur 233 roulent au GNV pour le parc des prestataires privés (dont 104 à la norme Euro VI) ;
  • les prestataires privés utilisent également 4 véhicules électriques ;
  • 5 stations GNV utilisées (dans le cadre de marchés publics).

 

5 garages municipaux sur 7 ont été aménagés pour accueillir des engins à motorisation GNV. Dans ceux-ci les ateliers de maintenance, soumis à la norme ATEX, ont été adaptés, de même que les zones de stationnement de bennes. Les 2 autres garages seront adaptés d’ici 2020.

 

Bilan environnemental du GNV par rapport au diesel (estimation pour des bennes EURO V) - graphiques de comparaison visualisables dans le recueil :

  • pas d’émission de particules ;
  • diminution des émissions de NOx (oxydes d’azote) ;
  • augmentation des émissions de CO (monoxyde de carbone) ;
  • bilan global favorable au GNV du fait de l’impact environnemental moindre du monoxyde de carbone par rapport aux autres polluants.
Résultats qualitatifs :

La motorisation GNV est généralement considérée comme moins bruyante que le diesel. Dans le cas de la collecte, le bruit de l’équipement (basculeur, etc.) étant prépondérant, cet avantage n’est pas majeur. Le principal gain porte sur la réduction des émissions des polluants locaux qui bénéficie aux Parisiens.

 

L’arrivée des premières bennes à motorisation GNV a suscité au départ de l’appréhension de la part des chauffeurs et ripeurs, notamment concernant les risques d’explosion. En réalité, le point de vigilance concerne plus la pression du gaz (le GNV est stocké à une pression de 200 bars dans les bouteilles présentes sur les bennes), notamment pour les agents assurant la maintenance qui doivent être spécialement formés. Les craintes se sont peu à peu estompées grâce notamment aux formations dispensées.

 

Aucun accident n’est à déplorer depuis le début de l’utilisation des BOM GNV. Les quelques incidents spécifiques au GNV ont été maîtrisés sans difficulté. Quelques incendies de BOM sont intervenus, non liés au GNV (il s’en constate aussi sur des BOM diesel) et n’ont jamais donné lieu à explosion.

Mise en oeuvre

Planning :

2002 : arrivée des premières bennes au GNV dans le parc de la ville

 

2002 – 2016 : renouvellement progressif de la flotte de véhicules de la ville (BOM mais aussi laveuses de chaussée)

  • intégration d’une clause dans les marchés de collecte obligeant l’équipement en bennes non diesel
  • 200 véhicules sont au GNV en 2006
  • 2014 : passage à la norme EURO VI pour l’achat des nouveaux véhicules
  • 2015 : intégration de 4 BOM électriques dans le parc d’un prestataire privé (phase de test)
Moyens humains :

Le volet « formation » revêt une importance capitale :

  • module (1/2 journée) de sensibilisation à l’utilisation du gaz ;
  • module (1/2 journée) pour l’utilisation de la station GNV ;
  • module de 2 heures pour la formation à la conduite ;
  • module de 2 jours destinés aux mécaniciens pour l’entretien des bennes (hors circuit haute pression).

 

Ces formations sont en partie réalisées en lien avec les fournisseurs de GNV, les constructeurs de châssis et les spécialistes du GNV. Le module de 2 jours pour les mécaniciens est organisé par un organisme extérieur.

Moyens financiers :

Coûts d’investissement :

  • une BOM GNV a un coût environ 30 % supérieur à celui d’une BOM diesel Euro V. L’écart tend à diminuer avec la norme EURO VI. En fonction des caractéristiques du véhicule, une BOM GNV présente un coût de l’ordre de 200 000 € TTC. Ce surcoût financier est moindre que pour d’autres technologies alternatives au diesel ;
  • mise aux normes (réglementation ATEX) des bâtiments et notamment la partie assurant la maintenance des BOM : le coût des travaux est fortement dépendant de la configuration des lieux et peut atteindre plusieurs millions d’euros sur certains sites.

 

Surcoûts de maintenance : environ + 10 % par rapport au diesel.

 

Coût du carburant : la comparaison entre le coût du diesel et le coût du GNV est fortement dépendante du coût de l’énergie, qui reste très variable. Sur 4 des 6 dernières années, le bilan est favorable au GNV fossile. Les deux graphes visualisables dans le recueil présentent une comparaison du coût moyen de la consommation de carburant par service entre le diesel et le GNV fossile, pour les années 2014 et 2015.

 

En l’état actuel (2016), le coût du bio GNV est supérieur de 25 % à 30 % au coût du GNV fossile

 

Coût du module de formation de 2 jours pour les mécaniciens : 6 300 € pour 8 personnes.

Moyens techniques :

Les bennes à ordures ménagères à motorisation GNV représentent encore une faible part du marché. Une offre constructeur existe, mais elle est limitée pour les petites bennes et le matériel de nettoiement. Les BOM GNV les plus fréquentes sur le marché sont celles de 19 à 26 tonnes, commercialisées par 5 constructeurs (Mercedes, Volvo, Renault Trucks, Iveco et Scania). (Un tableau visualisable dans le recueil récapitule l’offre existante au 1er janvier 2016.)

 

Les BOM GNV sont achetées dans le cadre d’une convention avec l’UGAP (Union des Groupements d’Achats Publics) ou grâce à des marchés spécifiques. Les bennes ont une durée d’exploitation d’environ 10 ans.

 

Pour la nouvelle génération de bennes, la Ville de Paris dispose de châssis RENAULT équipés EUROVOIRIE ou SEMAT pour les catégories 19 tonnes (14 m3 à 16 m3) et 26 tonnes (19 m3). Ces châssis sont équipés de moteur GNV américains CUMMINS de 320 chevaux. Pour les catégories 12 tonnes et 16 tonnes, la Ville de Paris vient d’acquérir des bennes à châssis IVECO qui dispose de ses propres moteurs.

Les bennes à motorisation GNV ont une charge utile plus faible que celles à motorisation diesel du fait notamment de la présence des bouteilles de gaz. Ce handicap est en partie compensé par une dérogation permettant un dépassement cadré du PTAC (de l’ordre de 500 à 800 kg) mais dont l’intérêt peut être limité par la charge autorisée par essieu. 

 

Obligations des prestataires privés :

 

La ville de Paris impose à ses prestataires de collecte privés de ne plus recourir au diesel au travers d’une clause intégrée aux marchés de collecte.

Ainsi, ces exigences ont été imposées aux prestataires de collecte du verre dont les marchés ont été renouvelés en 2016.

Dans le cadre des marchés de collecte des OMR, un prestataire privé a fait le choix d’utiliser 4 BOM électriques depuis 2015 (modèle PVI type C Less sur châssis 26 tonnes). Il n’a pas été constaté de problème d’autonomie des bennes électriques. Cependant, les batteries Lithium Ion grèvent une part de la charge utile du véhicule même si le handicap est moins conséquent qu’avec les batteries au plomb. L’offre des constructeurs est beaucoup moins importante pour les BOM électriques que pour les BOM GNV puisqu’il n’existe en effet qu’un seul fabricant.

 

Choix du carburant et stations GNV :

 

Les bennes à motorisation GNV ont une autonomie moindre par rapport aux bennes à motorisation diesel. De plus, la jauge au tableau de bord est moins précise que celle d’un véhicule classique du fait notamment que le combustible soit gazeux. Ceci implique des avitaillements plus fréquents des réservoirs, à savoir un plein après chaque service. Le temps de recharge (5 à 10 minutes) est légèrement plus long que pour une BOM diesel. Pour répondre à ce besoin d’avitaillement, il est important de disposer d’un maillage dense en stations GNV.

La Ville de Paris ne possède pas de stations en propre pour ravitailler ses bennes et fait appel à un prestataire privé dans le cadre d’un marché public, aujourd’hui GNVert, filiale de ENGIE, qui dispose de plusieurs stations sur Paris et en proche couronne. L’intérêt est d’avoir des stations positionnées de manière stratégique à proximité des garages et/ou des centres d’incinération, ce qui est en partie le cas (cf. image ci-dessous).

Il est possible de faire le choix d’avitailler à la place, c’est-à-dire la nuit lorsque le véhicule est au garage. Il faut, pour y parvenir, disposer d’espace disponible dans les garages pour pouvoir accueillir des compresseurs notamment et engager un investissement supplémentaire pour plus de travaux de mise en conformité. C’est le choix qu’ont fait par exemple le SIOM de la Vallée de Chevreuse et certains prestataires privés.

 

Le GNV peut être de diverses origines : du gaz naturel (méthane) délivré par le réseau de distribution classique ou bien du bioGNV, c’est à dire du biométhane produit à partir de matières organiques (méthanisation de déchets par exemple). Afin de compenser les émissions de CO2 générées par un moteur GNV, plus importantes en collecte en milieu urbain dense, la Ville de Paris a fait le choix de s’orienter vers l’utilisation du bioGNV. L’objectif étant que les bennes de collecte de la régie roulent entièrement au bioGNV d’ici 2020. Le bilan environnemental, en termes d’émissions de CO2, est en effet nettement favorable à ce carburant (cf. graphique dans le receuil).

 

Ateliers de maintenance et points d’avitaillement : application de la réglementation ATEX

 

La présence de gaz dans les ateliers implique une mise aux normes selon la réglementation ATmospheres EXplosibles (ATEX). La réglementation impose notamment la rédaction d’un Document Relatif à la Protection Contre les Explosions (DRCPE).

 

La mise aux normes ATEX impose une obligation de résultats (maîtrise du risque) et non de moyens. La ville de Paris s’est appuyée sur les services des pompiers pour déterminer les moyens à mettre en place : installation de systèmes de détection du gaz, de ventilation, de matériel antidéflagrant et d’une alarme dans les ateliers de maintenance.

 

Les systèmes de détection permettent de déclencher les différentes protections, système d’alarmes, coupure du niveau électrique, mise en marche des ventilations, lorsqu’une certaine concentration de gaz est présente dans l’air. Plusieurs types de capteurs peuvent être installés qui mesurent à un point précis la concentration de gaz naturel dans l’air. Les photos du receuil illustrent différents types d’installations dans les garages / ateliers de la ville de Paris. 

 

Pour le GNV, il y a risque d’explosion lorsque la concentration de gaz dans l’air est comprise entre la limite inférieure et supérieure d’inflammabilité (LIE) soit entre 5% et 15 % de GNV dans l’air en volume.

 

Aussi, les installations mises en place dans les garages sont paramétrées avec 2 seuils de déclenchement :

  • seuil 1 : à 20 % de la limite inférieure d’explosivité (LIE), les systèmes suivants sont déclenchés:
    • ouverture des skydômes de l’atelier ;
    • activation du buzzer de la centrale d’alarme ;
    • mise en route des feux flash intérieurs ;
    • coupure du courant ;
    • ouverture de la porte sectionnelle de la halle de remisage ;
    • mise en marche des éclairages de secours.

 

  • Seuil 2 : à 40 % de la LIE ou déclenchement manuel
    • alerte de la direction en charge de la protection et de la prévention à la ville de Paris ;
    • mise en marche d’une alarme sonore.
    • Évacuation des personnels

 

Le stationnement extérieur des véhicules est privilégié afin d’éviter des travaux de mise en sécurité lourds.

 

Conséquences sur la maintenance des véhicules :

 

Le GNV a une pression de 200 bar dans les bouteilles et donc dans les véhicules. Le principal risque à prendre en compte pour les agents de maintenance est celui lié à la haute pression, plus que le risque d’explosion.

 

Seul le personnel spécifiquement formé et habilité peut pratiquer les opérations de maintenance du fait de la manipulation de gaz sous haute pression. Les adjoints techniques de maintenance et les personnels de maîtrise ont donc suivi une formation spécifique à la haute pression pour être habilités. Afin d’améliorer les conditions de travail lors de la manipulation des bouteilles, des outils spécifiques ont été conçus, développés et fabriqués pour mécaniser certaines opérations de maintenance. 

 

Formation du personnel :

 

L’utilisation de véhicules transportant du gaz sous très haute pression nécessite une formation spécifique du personnel de maintenance mais également des chauffeurs et ripeurs. Pour accompagner cette formation initiale la ville de Paris a édité un fascicule : « Le gaz naturel pour véhicules : guide d’utilisation ».

 

En parallèle, les agents ont également reçu une formation sur le risque incendie données par les services de sapeurs pompiers de la ville de Paris.

 

L’INRS a édité un fascicule sur la sécurité du personnel intervenant sur le circuit du GNV, de l’agent de maintenance au conducteur. Ce document donne, entre autres, une base sur le contenu des formations que doivent suivre les agents (cf. en fin de fiche). Plus généralement, ce fascicule fournit des informations sur le GNV, les risques induits par son utilisation, la réglementation en vigueur, le matériel à mettre en place dans les locaux de travail ainsi que des consignes opérationnelles pour l’utilisation des véhicules.

 

Ces formations permettent également d’atténuer les craintes des agents vis-à-vis des risques d’explosion. Ces derniers sont faibles et des fusibles de sécurité présents sur les bombonnes de gaz sont conçus et mis en place pour éviter l’explosion en libérant le gaz en cas d’incendie.

 

Évolutions prévues :

 

D’ici fin 2016, il est prévu que 100 % des bennes des prestataires privés soient à motorisation GNV ou électrique. Pour les bennes en régie,  une motorisation 100 % non diesel est prévue à l’horizon 2020.

La régie est actuellement avitaillée à 60 % en bioGNV et le sera à 100 % d’ici 2020. Ces différentes mesures vont permettre de répondre aux objectifs fixés par le Plan Climat Energie de la ville.

 

Autres projets d’optimisation de la collecte :

 

Parallèlement, les services testent les innovations technologiques, portant sur la motorisation ou les équipements, afin de s’assurer de leur capacité à répondre aux besoins de l’exploitation. Ainsi, la Ville de Paris s’intéresse par exemple à l’avancée de la technologie liée aux piles à combustible. 

Partenaires moblisés :
  • Association Française du GNV (AFGNV)
  • Prestataires privés (DERICHEBOURG Environnement, VEOLIA Propreté, PIZZORNO, URBASER, SEPUR)
  • Pompiers de la ville de Paris
  • ENGIE
  • INRS

valorisation de cette expérience

Facteurs de réussite :

Facteurs de réussite :

 

La présence d’un véritable maillage en stations GNV est une condition nécessaire pour développer la solution GNV comme alternative au diesel, à moins de disposer de ses propres stations ou installations de compression.

Des formations complètes des agents permettent d’atténuer les craintes qui peuvent exister mais aussi d’assurer le bon déroulement des opérations de collecte et de maintenance.

 

Freins :

 

Le surcoût à l’achat des bennes GNV par rapport aux bennes diesel peut constituer un frein. Ce surcoût est en partie lié à l’offre limitée des constructeurs. Les surcoûts portent aussi sur une partie de la maintenance des véhicules du fait de l’importation des pièces de rechange.

La mise aux normes des garages et ateliers demande de lourds investissements, qui ne sont pas forcément évident à porter pour une collectivité.

En cas de crise locale ou nationale, aucun support n’est prévu par le Préfet pour pallier une éventuelle défaillance dans l’approvisionnement du carburant GNV ; ceci peut militer pour la création de stations ou d’installations de recharge privatives dans les garages de BOM.

 

Reproductibilité :

 

Afin de reproduire cette démarche il est important d’intégrer en amont l’ensemble des paramètres qui conditionnent la réussite d’un projet de conversion à la motorisation GNV : existence d’un maillage en stations GNV, possibilité de mise aux normes des garages… Des investissements significatifs sont à prévoir, mais il est possible d’étaler la démarche dans le temps afin de lisser les surcouts. 

Difficultés rencontrées :

Généralisation de l'utilisation de bennes à ordures ménagères à motorisation GNV à grande échelle avec maintenance internalisée et formation des différents agents aux risques d'explosion.
 

Recommandations éventuelles :

Un certain nombre de guides font références dans le domaine des véhicules GNV :

  • Guide de bonne mise en œuvre des bennes à ordures ménagères au GNV – ADEME, AFGNV, Gaz de France 2007,
  • Véhicules fonctionnant au gaz naturel – Intervenir en sécurité – INRS 2010,
  • Véhicules industriels équipés au gaz naturel – Mesures de prévention contre le risque d’explosion – INRS 2011.

 

Par ailleurs, l’AFGNV a un rôle fédérateur dans le développement de la filière et pour le partage des bonnes pratiques au travers de groupes de travail entre utilisateurs et fabricants.