Étude de l'ADEME
Ademe

économie circulaire et déchets
Dans le cadre du projet de rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel piloté par le syndicat mixte de la baie du Mont-Saint-Michel, les travaux de dragage du Couesnon et de creusement de l’anse de Moidrey ont nécessité l’évacuation d’environ 1 million m3 de tangue.
La tangue est un matériau de dragage formé d'une fraction sableuse principalement à base de débris coquilliers calcaires et d'une fraction vaseuse de limons et/ou d'argiles. Ce sable fin avec une teneur en sel modeste possède d’excellentes qualités agronomiques.
Ces travaux d’aménagements hydrauliques se déroulant en amont du barrage sur le Couesnon, un rejet de la tangue en mer ne pouvait pas être envisagé. Aussi, pour gérer ces volumes considérables à un coût acceptable (transport et mise en œuvre), seule une solution de proximité pouvait être imaginée.
En parallèle, les conditions spécifiques de la baie du Mont-Saint-Michel poussent parfois les agriculteurs locaux à rehausser leurs parcelles de culture ou à amender leurs terrains. De la même manière, les centres équestres doivent procéder à des rechargements réguliers de leurs sols (pistes, manèges, carrières). Ces pratiques nécessitent un apport conséquent en matériau qui doivent posséder certaines caractéristiques (teneur en calcaire, qualités de perméabilité ou de stabilité…).
C’est dans ce contexte que le syndicat mixte de la baie du Mont-Saint-Michel a mis en place un système de don de tangue auprès des acteurs locaux présents dans un périmètre de 5 km autour de la zone d’extraction (propriétaires et/ou exploitants agricoles, particuliers, centres équestres…).
NB : c’est la collectivité qui prend en charge le transport et la mise en œuvre de la tangue chez le demandeur.
L’organisation de ce système de don a les objectifs suivants :
Objectifs économiques
Pour la collectivité : limiter le coût de gestion des tangues excavées grâce à une évacuation de proximité
Pour les receveurs de tangue : disposer de matériaux mis en œuvre gratuitement
Objectif environnemental
Limiter les impacts du transport lié à l’évacuation des matériaux grâce à une solution de proximité
Objectifs d’aménagement
Permettre un rechargement de parcelles difficiles à travailler (sol peu profond) ou non cultivables une partie de l’année (pour les parcelles en eau) tout en luttant contre la hernie du chou (parasite fréquent sur le territoire)
Permettre un amendement calcique des terres agricoles
Permettre le rechargement de stabulation ; la tangue présentant de bonnes caractéristiques pour les articulations des chevaux
De 2011 à 2014, 1 076 000 de m3 de tangue ont été réutilisée dans 36 parcelles dont :
941 000 m3 de tangue réutilisée pour le rechargement agricole,
125 000 m3 de tangue utilisée en tant qu’amendement calcique,
10 000 m3 de tangue réutilisée pour le rechargement hippique
La quasi-totalité des agriculteurs ayant reçus de la tangue sont satisfaits de son effet sur leur culture après un à deux ans.
Pour organiser la logistique de don le syndicat a dû trouver des solutions pour lever les freins rencontrés :
Comment mettre en place une logique de don ?
Procédure de recrutement des acteurs locaux destinataires des dons
En 2009, le syndicat a lancé un appel à candidatures. Au bout d’un an, la demande devenue plus importante que les volumes à excaver et les candidatures ont continué d’affluer tout au long du chantier. La collectivité, soumise aux règles de la concurrence et à l’égalité de traitement, a appliqué des règles d’éligibilité (demandeurs de plus de 2 500 m3 et 80% du volume demandé situé à moins de 5 km de la zone d’extraction) et a traité les demandes par ordre de réception. 82 exploitants se sont portés candidats. Après vérification des conditions d’éligibilité et obtention des accords des services de l’Etat (DREAL et Police de l’eau), une liste principale de 33 receveurs a été établie.
Signature d’une convention et respect des techniques de mise en œuvre
Après sélection du candidat au don, une convention est signée entre l’acteur local et le syndicat mixte de la baie du Mont-Saint-Michel précisant les caractéristiques dimensionnelles du rechargement qui sera effectué sur la parcelle. Par suite, l’entreprise en charge des travaux planifie et réalise l’épandage dans le respect des contraintes de la parcelle (décapage au préalable de la terre végétale ou non, contrôle de la compaction, rechargement en dôme, maintien des fossés…). Cette mission de l’entreprise était inscrite dans le marché des travaux passé avec l’entreprise.
Comment instaurer un climat de confiance entre les acteurs ?
Qualité des terres : métaux lourds et salinité
Des prélèvements par sondage, tous les 40 000m3 de mélange eau/sédiment dragués (environ 40 analyses), ont permis de vérifier l’adéquation des teneurs de l’ensemble des paramètres des lots de tangue par rapport aux seuils réglementaires fixés par arrêté préfectoral ICPE afin de s’assurer de leur innocuité et autoriser l’entreprise à évacuer sur les parcelles. La salinité de la tangue, une des inquiétudes les plus fortes chez les agriculteurs, a été réduite grâce au stockage provisoire (de 1 à 2 mois) de la tangue dans des bassins ad hoc permettant un « lavage » par les eaux pluviales (Na2O échangeable <0,25g/kg Seulement quelques bénéficiaires du don ont réalisé des tests à la réception de la tangue.
Mise en place d’une traçabilité des terres distribuées
C’est le Maître d’Œuvre qui assure la traçabilité de la tangue distribuée en tenant à jour la liste des destinataires (numéro de parcelle, date d’épandage, provenance matériaux mis en œuvre…). Cette mission était prévue dans les clauses du cahier des charges passé avec la Maîtrise d’Ouvrage. Conjointement, l’entreprise renseigne un registre de chargement pour chaque parcelle.
Adaptabilité des livraisons par rapport aux contraintes des agriculteurs
Pour s’adapter au rythme des activités agricoles (récoltes, plantations…) et aux conditions météorologiques, une réorganisation permanente des livraisons de tangue a dû être opéré par l’entreprise en charge de l’apport et de la mise en œuvre des tangues.
L’opération a mobilisé 2 ETP au syndicat mixte de la baie du Mont-Saint-Michel : une technicienne et une assistante juridique.
Travaux préparatoires nécessaires à l’évacuation de la tangue (construction de pont…) : 1,2 millions €
Extraction des sédiments : 10 millions €
Valorisation locale de matériaux : 7,2 millions €
Drague aspiratrice
Jusqu’à 8km de canalisation entre la drague et les bassins de décantation.
Chambre d’agriculture de la Manche
Coopérative « Terre de Saint-Malo »
2 exploitants volontaires pour l’expérimentation avant travaux
82 candidats au don de tangue
Services de l’Etat (DREAL, Police de l’eau…)
Cette opération est spécifique aux chantiers conduits sur des baies et peut être reproduite si les analyses des tangues (teneurs en polluants) le permettent.
La mise en place de cette opération prototypique a évolué au fur et à mesure de l’avancée du projet.
Les facteurs clés de succès pour la mise en œuvre de cette opération sont les suivants :
Prendre en compte les délais dus à l’instruction des dossiers liés aux règlementations environnementales (ICPE -- statut déchet, bruit, poussières, qualité de l’eau rejetée…, Plan de dragage -- Police de l’eau, …) et les suivis à réaliser après opération,
Sensibiliser en amont l’ensemble des parties prenantes aux enjeux de la réutilisation (DDTM, agences de l’eau…) pour faciliter la mise en œuvre de l’opération
Instaurer un climat de confiance avec les bénéficiaires des dons
Sensibiliser les riverains sur les nuisances éventuelles (trafic routier intense, bruit, poussières…)