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Expérimentation du réemploi de matériaux en présence d'amiante - Exemple de la réhabilitation d'un ancien sanatorium en logements à Grasse (06)

fiche_exemplaire
expérience
exemplaire

SAINT ROCH HABITAT

6 rue Lamartine
La courée des Mousquetaires
59000 Lille
Illustration de l’opération :

(Crédits de l'image : illustration St Roch Habitat)

contexte

L'appel à projet Filidechet 2018 porté par l'ADEME et la Région Provence-Alpes-Côte-d'Azur a été l’opportunité de travailler sur un bâtiment patrimonial d’exception, contenant des matériaux d’origine qualitatifs, mais amené à connaître une restructuration lourde en changeant de destination. Comment réemployer ces matériaux de bonne qualité, qui pourraient valoriser le futur projet, tout en maintenant l’équilibre financier du maître d’ouvrage ?

Le groupement a travaillé sur 2 axes : maximiser le réemploi en association avec un désamiantage sélectif.

objectifs et résultats

Objectifs généraux :

Le 1er objectif initial était de réduire de 80% les déchets classiques du chantier en trouvant un circuit de valorisation alternatif à la déchetterie. L’objectif initial proposait pour cela :

  • de réemployer au sein du projet un maximum des éléments
  • de réemployer en transmettant les gisements à des plateformes
  • de réemployer en organisant une vente aux enchères sur site permettant l’achat ou le don de matériaux et un événement sur l’économie circu- laire et le projet en cours.

N'ayant pas obtenu de financements pour la vente aux enchères, célément a été supprimé. Le projet s’est restreint au réemploi sur site.

Le 2nd objectif initial était de réduire de 20% les déchets dangereux (amiantés) en utilisant notamment la robotisation ou un bain de bactérie.

Résultats quantitatifs :

Actions réalisées in fine concernant les matériaux non amiantés :

  • agir en priorité sur les matériaux lourds à forte conséquences économiques pour le projet (murs de soutènements extérieurs)
  • développer des documents de phase PRO en partenariat avec les entreprises pour alimenter les connaissances en réparations et créer des outils répli- quables à d’autres opérations (menuiseries, serrurerie, sols)

Concernant le désamiantage : 

La solution robotisée a été retenue par les financeurs. Malgré tout, le développement du projet a montré que la robotisation était peu adaptée à la situation (bâtiment existant contraint : taille des ouvertures, poids des machines, accès au chantier complexe, nécessité de travailler en zone de confinement (sous-section 3), etc.

La piste du ramollissement de la colle par décapage a rapidement été mise en avant.

Dans la candidature, le bilan des tonnes de matériaux dangereux reposaient uniquement sur le DAV (Diagnostic Amiante Avant Vente). La précision par une campagne de sondage complémentaire à partir des plans de travaux (DAAT) a permis de cadrer plus précisément les zones contenant des matériaux amiantés. L’entreprise de désamiantage par la suite a précisé dans son devis le tonnage de matériaux à éliminer dans le cadre de Filidechet.

Résultats qualitatifs :

La stratégie de réduction des déchets

Le groupement de maîtrise d'oeuvre a choisi de travailler sur les matéiriaux de second oeuvre, bien qu'ils représentent un tonnage plus faible. Les plans régionaux de gestions des déchets se fondant sur les tonages, ces gise- ments sont moins mis à l’honneur. Pourtant, la valeur des matériaux de finition a de l’impact sur les usagers et habitants et peut éventuellement se valoriser économiquement.

L’innovation : le désamiantage sélectif

Le groupement développe une partie de la recherche sur la séparation de la colle amiantée du support. L’objectif est de réutiliser le matériau débarrassé d’amiante afin de donner de la valeur à un déchet «léger» mais cher à traiter (matériau dangereux).

Limiter la prise de risque du maître d’ouvrage

Le groupement a convaincu le maitre d’ouvrage en mettant en avant les avantages financiers : la part d’innovation permet de réduire certains coûts. Les 30 % de fond propres restant à investir après subventions sont mutualisés aux études de conception du groupement qui portaient déjà les enjeux de conservation dans leur mission de maitrise d’oeuvre de base.

L’avance de trésorerie

Ce financement a été un moyen de «déclencher la commande» qui nourrit la démarche et l’engagement. Le maître d’ouvrage paie les membres du groupement à réception du financement afin de limiter ses avances de trésorerie.

Arbitrage entre enjeux patrimoniaux, respect de la réglementation et contraintes économiques

Les ferronneries du bâtiment principal

Les gardes-corps historiques ont fait l’objet d’une étude plus poussée dans le cadre du financement. Sans financement, le budget des études étant limité, le groupement aurait retenu l’hypothèse du bureau d’études, déjà expérimenté dans d’autres projets par Saint-Roch Habitat : la dépose des gardes-corps en ferronnerie peintes à la feuille d’or, éliminées en déchetterie et la pose de nouveaux gardes-corps découpés à la découpe laser.

La connaissance des techniques du bâtiment patrimonial a permis de dresser un état des lieux des possibilités offertes :

  • Conserver les gardes-corps sans les toucher, en demandant une vérification des scellements à l’entreprise et une reprise de ceux-ci si nécessaire. > Pas possible car mises aux normes nécessaires : tous les gardes corps ne faisaient pas 1 m de haut, la reprise d’étanchéité ou la rehausse de certains sols modifiaient les hauteurs et certains garde corps étaient en fonte, avec une résistance aux chocs limitée.
  • Doubler le garde-corps historique par un ouvrage technique aux normes ? Le garde-corps historique devient purement esthétique. > ex : créer un garde corps en verre transparent derrière le garde-corps historique.
  • Adapter les gardes-corps aux normes, tout en imposant des tests de résistance complémentaires et une révision totale. C’est ce qui a été retenu. Cette solution nécessite au MO de financer la réalisation d’essais.

Mise en oeuvre

Description de l'action :

L’objectif est de réduire les déchets du chantier par le réemploi maximal des matériaux au sein du projet. La phase de diagnostic fait état, matériau par matériau, équipement par équipement des ressources disponibles dans le bâtiment. Croisés avec les planches tendances réalisées autour de 3 thématiques et déclinées en fonction des zones de projet, les matériaux en bon état sont conservés (1) mais parfois déplacés pour correspondre aux futurs besoins et à la mise en cohérence de l’ensemble (esthétique et usages). Si le processus de réparation est possible, il est fait le choix du réemploi (2) en place ou ailleurs dans le projet. Si le processus de dépose nécessite de la casse, ou que l’état n’est pas assez bon pour du réemploi, l'opération privilégie la réutilisation ou l’ucycling (3).

Saint-Roch Habitat était d’accord pour réemployer, réutiliser, mais souhaite que les postes de dépenses correspondent à un surcoût acceptable dans l’équa-tion totale du projet. Le surcoût habituel sur les postes de conservation plutôt que changement par du neuf sont de l’ordre de grandeur de 20%.

Il était convenu que Saint-Roch Habitat arbitrerait les solutions trouvées en fonction de leurs pertinences selon les paramètres du promoteur : valorisation à la vente, esthétique, si la solution facilite le chantier.

La méthodologie de réemploi massif consiste à développer les pistes les plus faciles à répliquer à partir de REx, avec peu de conséquences au plan assurantiel et de lourds tonnages (déchets à évacuer couteux) d’une part. D’autres part, développer des pistes avec forte valeur ajoutée pour le produit fini : les gardes-corps historiques, les carrelages marbre et carreaux de ciment, les portes intérieures ornementées ainsi que les murs de parements extérieurs (demande ABF). Actuellement, les projets de rénovation ne permettent pas toujours de développer ce temps d’études pour intégrer des solutions non conventionnelles. Les entreprises et BE préfèrent le remplacement par du neuf qui demande un temps d’étude moins long, moins de travail et moins de risque pour le maître d’ouvrage.

Sur les lots architecturaux, un travail de co-construction des détails d’exécution a été mené avec les entreprises. La stratégie d’intégration des paragraphes spécifiques au CCTP des lots réemploi a été étudiée.

La sécurisation des prix a fait l’objet d’une étude du BET pour l’économie du projet : la mise en place d’outils de comparaison des deltas entre la méthodologie classique et les propositions de réemploi accompagnent Saint-Roch Habitat à prendre les décisions en fonction du budget global de l’opération. La réalisation de tests encouragent la solution du réemploi en sécurisant le prix en amont de la signature du marché.

Certaines pistes n’ont pas aboutir en phase chantier, mais elles débutent une réflexion sur le sujet et pourront être approfondi dans de futurs projets.

Planning :

Moyens humains :

De nombreux acteurs ont contribués à la réussite de ce projet: Atelier Aino, MODUO, EPBTP, R-USE, La Forge du Canal, GingerBTP, 4DS

Chacun est intervenu à un stade différent de ce dossier.

Moyens financiers :

Saint Roch Habitat a participé à hauteur de 30% dans les dépenses liées à ce projet. Les deux autres acteurs économiques sont l'ADEME et la Région PACA au travers de Filidéchet. Chaucun d'entre eux a contribué à hauteur de 35%.

valorisation de cette expérience

Facteurs de réussite :

La stratégie a reposé sur la recherche de partenariats avec des artisans au moment de la phase PRO afin de développer des solutions qui reposaient sur leur savoir-faire. Dessiner des réponses aux problématiques existantes par un partage de compétences et de savoir-faire, main dans la main.

Difficultés rencontrées :

Au sujet de l’amiante, les préconisations sont souvent maximales au niveau du retrait, afin de limiter les risques pour la santé des travailleurs, ce qui est absolument nécessaire et qui a donné un grand pouvoir aux entreprises. Elles proposent des procédés rapides et très invasifs. Une alternative peut-elle être envisagée pour pousser à la conservation des matériaux qualitatifs et limiter les retraits aux produits réellement amiantés dans le cas de la liste C, notamment des carrelages et faïences ?

Recommandations éventuelles :

Les résultats de cette étude sont partagés. D’une part, de grandes avancées ont été faites. Atelier Aïno a mis en place une série d’outils de conception pour intégrer le réemploi dans les documents graphiques, a tissé des liens avec des artisans compétents en région PACA. Le bureau d’études MODUO a développé des compétences dans le suivi spécifique du désamiantage sélectif.

EPBTP et ABDE ont appris à vulgariser les attendus réglementaires sur l’amiante afin de proposer une méthodologie de désamiantage sélectif.

La maitrise d’ouvrage a enrichi ses savoirs sur les possibilités de conservation plutôt que de démolition et a approfondi sa connaissance des postes à approfondir dans le cadre de projet de réhabilitation.

Atelier Aïno a largement diffusé les avancées et réflexions, ce qui pousse la filière professionnelle et encourage les jeunes praticiens en les nourrissant d’exemples concrets.